Dans le cadre du concours"Grands Reporters" organisé par les DNA(Dernieres Nouvelles d'Alsace), ayant pour thème"la musique que j'aime", nous sommes allés chez une luthière pour réaliser un reportage.

Du bois au violon

En entrant au rez de chaussée,1 rue de la Chaîne à Strasbourg, on sent d'abord une odeur de bois, de sciure, de colle, de vernis. On voit des violons, beaucoup de violons, accrochés le long du mur; un piano, un petit bureau; un établi, des outils, des lampes partout; des étagères avec des planches, des morceaux de bois de différentes tailles; des poutres apparentes, un rideau sur la vitrine de la rue.

On a l'impression d'avoir remonté le temps...

On est dans l'atelier d'une luthière.

On y fabrique des violons, des altos, des violoncelles, des contrebasses.

Depuis 300 ans, la forme et la fabrication des instruments sont restées inchangées. C'est le même travail, les mêmes gestes, les mêmes outils.

Pour fabriquer un violon, on part de planches brutes, d'épicéa, d'érable, et d'ébène. Il y a des scieurs spécialisés pour les luthiers, un en France. Le bois vient de France, généralement, ou de pays limitrophes, comme l'Allemagne ou la Suisse; l'ébène vient d'Inde.

On utilise toujours les mêmes outils: des canifs que la luthière fabrique elle-même (elle achète les lames et fabrique les manches en bois), des ciseaux à bois, des gouges, des marteaux, et des rabots miniatures; le plus petit des rabots s'appelle une noisette!

On utilise toujours les mêmes produits aussi: de la « colle d'os » à base de gélatine animale, de tendons et de poudre d’os. C'est comme des pastilles que l'on fait fondre au bain marie et qui sentent très mauvais. Le vernis est fait maison, il est composé d’huile de lin et de résine.

Tous les produits sont naturels; quelques réactions chimiques sont provoquées mais on n’utilise jamais d'adjuvants.

Depuis 300 ans on répare aussi de la même manière. Malgré tout le soin apporté aux instruments ils peuvent chuter, prendre des coups, se fendre , ou se décoller sous l'effet des changements de température ou d'hygrométrie.

Les différentes pièces des instruments s’usent aussi, le chevalet notamment ; c’est une petite pièce de bois ouvragée, qui n'est pas collée et qui travaille. L'âme se dérègle aussi. C'est un petit morceau de bois à l'intérieur de l'instrument et qui en change le son.

Tout est collé rien n'est vissé. Tout se démonte. Et surtout tout se répare. On démonte tout l'instrument pour le réparer, au marteau et au couteau mais jamais en présence du musicien. Il serait bien trop impressionné!!!

La magicienne de ce lieu, c’est Julia, luthière.

Du rêve d'enfance au métier-passion

C'est Julia Lalliti-Messner qui nous accueille, dans son atelier. Souriante et tout de suite sympathique, elle est en tenue de travail; elle porte un long tablier en toile épaisse, un peu comme un tablier de boucher, mais bleu foncé, qui la protège jusqu'aux pieds. Elle prend son temps pour nous parler de son métier, avec enthousiasme, et pourtant son temps est précieux. Elle travaille seule et chaque minute compte.

Elle a voulu être luthière toute petite: comme elle apprenait à jouer du violon , elle s'était rendue chez un luthier avec ses parents, pour en acheter un. Et, ce jour-là, fascinée par le savoir-faire du luthier, elle s'est dit: « voilà le métier que je veux faire! ». Ses parents lui ont conseillé de passer son bac pour qu'elle ait le temps de réfléchir. Ce qu'elle a fait. Après son bac, l'idée ne l'avait pas quittée.

Elle apprend alors le métier pendant 6ans chez un luthier avant d'ouvrir son propre atelier en 1999.

Depuis 20ans, elle ne s'est jamais lassée de son métier. Malgré la grande précision de son geste professionnel, elle progresse sans cesse et continue d'apprendre. Ce sont les morceaux de bois qui la remettent à sa place, qui la commandent, qui lui disent :«tu crois savoir faire, mais je te résiste, à toi de trouver une nouvelle solution!».

Elle était violoniste, puis a arrêté pendant 15 ans; elle a repris le violon et si elle a un piano dans son atelier, ce n'est pas pour accorder les instruments mais pour jouer de la musique avec les amis!

Un métier des savoir-faire

-Comment devient-on luthière?

On peut faire l'école de luthier de Mirecourt dans les Vosges mais il n'y a qu'une dizaine d'élèves par an qui ont la chance d'accéder à la formation et on y vient du monde entier. Sinon, on peut faire comme moi, apprendre chez un luthier, pendant 6 à 8 ans.

-Quelles qualités particulières doit posséder un luthier?

Il ne doit pas avoir des mains comme des pieds! Mais il n'a pas besoin d'être un génie manuel non plus. Il doit être minutieux, très patient et avoir une bonne oreille musicale.

-Combien de temps vous prend la fabrication d'un violon?

Environ deux mois.

-Quel est son prix?

Il vaut 7000 euros. Mais il y a des violons à tous les prix. Un violon d'occasion vaut environ 800 euros. Et on peut en trouver sur internet pour 50 euros. On peut louer un violon pour 23 euros par mois si on ne veut pas investir dans un instrument.

-Qui sont vos clients?

Mes clients sont les élèves du conservatoire et des écoles de musique ; les musiciens de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg. Des clients viennent aussi de Metz, de Fribourg.

-Quels sont vos horaires de travail?

Je travaille en général de 9h à 17h. Mais il m'arrive de venir vers 7h30 et de terminer tard le soir, ou de travailler le dimanche.

L'atelier est ouvert sur rendez-vous, ainsi j'ai plus de temps à consacrer aux musiciens venus récupérer leur instrument réparé ou aux personnes venues en choisir un. Chaque violon est unique. Écoutez!(Julia joue sur un violon de 150 ans puis sur un d’enfant)

Reportage DNA

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